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Description
Un débat existe depuis au moins le XVIIIe siècle sur la définition de la citoyenneté.La France a longtemps constitué le paradigme d’une conception rousseauiste où qualité de citoyen est pensée comme l’aboutissement d’un processus d’émancipation vis-à-vis de l’appartenance à différents collectifs : le milieu de naissance, les castes héréditaires, la religion, la couleur de la peau, la classe sociale, le genre, la pratique langagière, etc. Les pays anglo-saxons se réfèrent plutôt à une philosophie héritée de Locke : la primauté des individus défendant leurs droits et leurs intérêts, l’État ayant un rôle second de régulateur. Dans ce cas, il est tout à fait possible d’appartenir à une ou plusieurs communautés et d’être citoyen. L’histoire a largement été faite de compromis entre ces deux idéaux types mais le débat a été ravivé depuis quelques années à la fois par l’importance des migrations et l’affirmation des identités régionales. C’est ce débat que le colloque souhaite remettre sur le métier en prenant le point de vue des politiques d’éducation.
Si la modernité politique héritée des Lumières a souvent consisté, au cours du XIXe siècle, en une forme d’émancipation du citoyen et si, dans ce sens, les États nations se sont engagés dans un processus d’égalisation des justiciables devant la loi, de transmission de valeurs civiques et morales par l’éducation, de sécularisation des politiques publiques pouvant aller jusqu’à la mise en œuvre du principe de laïcité et de séparation Églises et de l’État, le curseur auquel ce processus a abouti occupe des points différents selon les territoires de l’Europe et du monde. Corrélativement, le rôle de l’État dans la formation des citoyens a connu des degrés variables d’engagement, en complémentarité ou en tensions avec d’autres instances d’éducation.
Or à la fin du XXe siècle, c’est ce processus d’émancipation qui est interrogé devant la montée en puissance de la revendication de valeurs et d’intérêts propres aux communautés humaines qui vivent sur les territoires concernés. Ces communautés ont acquis la conscience de la spécificité des identités qu’elles représentent et en demandent désormais « la reconnaissance ». Ce mouvement a été bien étudié, et son origine est généralement située à l’occasion des combats conduits aux États-Unis dans les années 1950-1960 par les minorités noires ou des ensembles culturels minoritaires. Depuis lors, de nombreux auteurs ont entrepris de théoriser cette revendication identitaire, notamment en soutenant que l’identité de chacun est influencée par sa reconnaissance ou par son absence de reconnaissance. Plus récemment, ce débat a fait souche dans de nombreux pays : défenseurs de l’universel et relativistes s’affrontent, sur fond de mondialisation, d’une part, et de montée des fondamentalismes, religieux notamment, d’autre part.
Moins étudiées et au cœur de la thématique du colloque, sont les conditions de la reconstruction du projet démocratique dans les régions du monde qui ont engagé une démarche de reconnaissance des différences. La reformulation de la citoyenneté en situation de diversité culturelle est engagée à des échelles variables : il peut s’agir des États nations qui se sont constitués au XIXe siècle, mais aussi de nations sans État, de régions internes aux États ou transfrontalières, ou de grands ensembles transnationaux, comme l’espace européen. En 2008, le Conseil de l’Europe a publié un « Livre blanc sur le dialogue interculturel : vivre ensemble dans l’égale dignité » qui récusait autant les conceptions assimilationnistes que les dérives communautaristes et formulait un ensemble de recommandations concernant l’éducation. Les principes restent valables mais la réflexion s’est élargi depuis et l’Union formule, dans sa stratégie Europe 2020 l’idéal de sociétés inclusives, innovantes et réflexives.
Il ressort de la perception de non-reconnaissance ou de reconnaissance inadéquate des identités culturelles et de leur niveau de prise en compte par l’institution scolaire, des phénomènes de concurrence, de tension, voire de conflits plus ou moins patents. La question des échelles de reconnaissance ou de non-reconnaissance de la diversité culturelle par des politiques publiques souvent perçues comme inégalitaires interroge potentiellement l’intégrité territoriale des sociétés concernées. L’expression du sentiment d’insécurité culturelle, notamment linguistique ou religieuse, mais aussi sociale et civique, au sein d’ensembles nationaux, en est l’un des signes.
Comment, dès lors, répondre au défi des revendications liées aux territoires d’origine ou de résidence des citoyens, si la mission de l’éducation civique et morale maintient la prééminence du projet d’émanciper les individus de tous les groupes particuliers qui agissent sur eux ? Est-il encore possible de justifier « l’indifférence aux différences » comme mode d’éducation, dans des ensembles territoriaux soumis au double tiraillement d’une culture mondialisée et, à l’inverse, de références identitaires de plus en plus fragmentées, repliées sur des territoires infra-, supra- ou transnationaux ?
Thématiques envisagées
Les ateliers seront constitués en fonction des propositions de communications reçues par le comité scientifique, et les projets de symposiums relèvent de la responsabilité de leur coordinateur. Toutefois, il est possible d’indiquer quelques thématiques possibles dans le cadre de la problématique générale du colloque, dans ses dimensions historique et comparatiste. Les questions présentées ci-dessous sont donc données à titre indicatif.
Questions concernant les politiques éducatives
Questions concernant les pratiques et conceptions des acteurs