Conférencière/Conférencier
Description
La pratique sportive comme moyen pour contribuer au développement d’un individu est la pierre d’assise de ce projet de recherche. Découlant d’une hausse d’intérêt envers la pratique sportive organisée et encadrée (ParticipACTION, 2015), une tendance nouvelle se dessine : la multiplication des programmes sportifs hautement spécialisés, bâtis et imaginés pour maximiser le potentiel sportif des jeunes athlètes, sans égard à leur participation sportive à long terme ou à leur développement psychosocial (Côté & Hancock, 2016). Au Québec, le programme Sport-études est une initiative gouvernementale qui a vu le jour au milieu des années quatre-vingts afin de répondre aux besoins croissants d’élèves-athlètes souhaitant s’engager dans une démarche d’excellence sportive, sans pour autant délaisser les bancs d’école. Au fil des années, ce projet à vocation particulière a grandement évolué de manière à permettre, annuellement, à plus de 5000 élèves de niveau secondaire de pratiquer leur discipline de prédilection de façon intensive. Si des mesures spéciales sont prises pour intégrer le sport à leur horaire scolaire quotidien, les exigences en terme de temps consacré à l’entrainement dès l’entrée au secondaire ainsi qu’un contexte fortement incliné vers la performance porte à réflexion. Quels sont les effets de la participation à ce programme sur le développement des élèves-athlètes?
La question du développement de l’individu est centrale à ce projet de recherche. Pour y répondre, la théorie bioécologique du développement humain (Bronfenbrenner & Morris, 2006) est adoptée comme lentille théorique. Celle-ci, combinée avec l’approche par développement positif de l’adolescent (Lerner, Phelps, Forman, & Bowers, 2009) et du modèle développemental de la participation sportive (Côté & Fraser-Thomas, 2016) nous offre les outils pour décrire efficacement les conditions de participation de ce programme, mieux comprendre l’environnement dans lequel l’élève-athlète évolue ainsi que les expériences développementales qu’il vit.
Pour répondre à notre question de recherche, nous avons d’abord effectué une analyse documentaire des programmes de soutien au développement de l’excellence que chaque fédération sportive doit soumettre pour être mandataire du programme Sport-études. Le fruit de cette analyse nous a permis de positionner le programme Sport-études comme un programme résolument axé vers l’excellence sportive. Ensuite, nous avons distribué un questionnaire en ligne à 226 élèves-athlètes âgés de 11 et 17 ans (M=15,08, ÉT=1,46) de deux établissements scolaires différents. Ce questionnaire nous a permis d’évaluer les conditions de participation, les expériences développementales vécues (MacDonald, Côté, Eys, & Deakin, 2012), les sources de plaisir liées à la pratique sportive (Wiersma, 2001) ainsi que la perception du soutien à l’autonomie de l’entraineur (Hagger et al., 2007). Pour compléter notre méthodologie, nous avons mené deux entretiens de groupes (N=15) avec des élèves-athlètes de cinquième secondaire. Durant ces entrevues nous avons repris les thèmes abordés dans le questionnaire en ligne, en plus d’aborder la relation avec les parents.
En résumé, nous constatons que le programme Sport-études induit résolument une approche par spécialisation et investissement hâtif en ayant des conditions de participation sportive intensive dès l’entrée au secondaire. Si cette approche convient pour l’atteinte de l’expertise de certains sports comme la gymnastique (Law, Côté, & Ericsson, 2008), elle comporte son lot d’effets négatifs telles les blessures sportives et le stress (Hecimovich, 2004), deux éléments que nous avons observé. Malgré cette approche, les élèves-athlètes ont rapporté des expériences plutôt positives – l’initiative et la capacité à se fixer des objectifs obtenant les meilleurs scores – et semblent tirer leur plaisir de source motivationnelle intrinsèque. Les relations avec les agents socialisants déterminants – parents et entraineurs – nous ont apparu comme positives. La nature du sport s’est avérée la variable contrôle présentant le plus de différences significatives. De manière générale, les élèves-athlètes de sport individuel semblent avoir une expérience significativement plus positive que ceux de sports d’équipe. La dichotomie entre les besoins à combler pour les sports d’équipe et les conditions de pratique sportive intensive est l’explication la plus plausible pour expliquer ces différences. En conclusion, si la mission de concilier avec succès le sport et les études tout en maintenant un équilibre de vie est atteinte, une meilleure organisation des conditions de participation pour répondre aux besoins particuliers de chaque sport est à considérer, sans quoi la participation à long terme et le développement psychosocial des élèves-athlètes pourraient être compromis.