CONTEXTE

Il a été démontré que les troubles anxieux et les troubles dépressifs sont parmi les plus diagnostiqués chez les enfants et les adolescent.e.s québécois.e.s. En effet, entre 2,2% et 9,5% des élèves vivent avec un trouble anxieux et entre 0,6% et 3% vivent avec un trouble dépressif. Les prévalences varient entre les études et ne comprennent pas les élèves qui vivent avec des manifestations anxieuses ou dépressives sans avoir de diagnostic. Ainsi, la proportion d’élèves ayant des problématiques anxieuses ou dépressives au Québec est largement sous-estimée (Piché et al., 2017). Afin de prendre en considération la santé mentale de leurs élèves, les directions d’école et les enseignant.e.s souhaitent personnaliser les méthodes d’apprentissages à l’aide d’une pédagogie créative afin de susciter la curiosité des élèves, autrement dit à éduquer de manière plus globale et humaine. Ainsi, dans les dernières années, une initiative conjointe du MSSS, du MES et de l’INSPQ a mis sur pied un programme, le référent EKIP, destiné aux professionnel.le.s travaillant en contexte scolaire visant à favoriser la santé et le bien-être des élèves. EKIP suggère la mise en place d’actions intégrées (pratiques collaboratives proposées de manière continue aux élèves et basées sur leur engagement actif) qui prône le développement de compétences clefs pouvant être utiles dans différentes situations de la vie (Gouvernement du Québec, 2023).

Le yoga pourrait faire partie de ces actions : sa pratique en milieu scolaire présente divers bienfaits et permet aux élèves de développer un éventail de compétences. Il a notamment été démontré que les élèves le pratiquant rapportent moins de problèmes de santé mentale tels que du stress et de l’anxiété, dont celle de performance (Sarkissian et al., 2018 ; Shreve et al., 2021). Le yoga favorise le développement de la confiance en soi et d’une autorégulation plus rapide et plus efficace des élèves (Patel et al., 2018). La concentration et l'expressivité des jeunes sont aussi améliorées grâce à la pratique du yoga (Cloutier et al., 2023). Plus globalement, il favorise le transfert des connaissances chez les élèves (Cloutier et al., 2023). Autrement dit, ces derniers sont davantage à même de jongler avec leurs différentes habilités pour trouver une solution face à une situation (Cloutier et al., 2023). Plus encore, l’observation de la pratique du yoga par les enseignant.e.s leur permet de découvrir leur élève sous une autre facette et d’ainsi obtenir des informations sur le.la jeune pouvant influencer sa réussite éducative et son bien-être (Cloutier et al., 2023).

Malgré les bienfaits évidents recensés, à première vue, il peut sembler complexe d’intégrer cette pratique en milieu scolaire. L’objectif de cette fiche est de documenter les stratégies permettant l’intégration efficace de cette pratique dans les classes. Les stratégies gagnantes proposées ici sont issues d’une revue de la littérature englobant 33 études ainsi que de 8 entrevues semi-structurées réalisées avec des professeur.e.s de yoga certifié.e.s ayant accepté de partager leurs conseils basés sur leur expérience et leur expertise.

Encadré 1

Le yoga est une discipline individuelle qui peut se pratiquer en groupe et qui se focalise sur l’harmonisation du corps et de l’esprit. Elle considère que l'individu possède des ressources fondamentales à l’intérieur de lui et vise l’atteinte de tout son potentiel.

Par la pratique, les valeurs suivantes sont promues :

  • L’harmonie et le respect ;
  • Le non-jugement et la non-compétitivité ;
  • L’honnêteté ;
  • La collaboration ;
  • L’altruisme et la compassion.

LES STRATÉGIES GAGNANTES

LES STRATÉGIES À METTRE EN PLACE PAR LES ENSEIGNANT.E.S

  1. Faire affaire avec une personne certifiée ou bénéficier d’une formation pour enseigner le yoga aux enfants. La formation doit être structurée rigoureusement pour ne pas laisser trop de place à l’interprétation, offrir des outils pratiques et enseigner la philosophie du yoga (voir encadré) aux enseignant.e.s. Une mise à jour de la formation devrait être offerte annuellement.
  2. Faire preuve de capacités d’adaptation :
    • Le style d'enseignement, et plus particulièrement le langage et les directives données, doit être adapté aux jeunes. Ainsi, les directives doivent être claires et ne pas comprendre de termes pouvant prêter à confusion ou susciter des polémiques. D’ailleurs, il est primordial de nommer les bienfaits et les objectifs du yoga, et ce, particulièrement avec les adolescents. Avec cette clientèle, il peut aussi être pertinent d’amener la pratique du yoga de manière plus subtile sans insister sur le fait qu’il s’agisse de postures de yoga.
    • L'enseignant.e doit aussi s’adapter aux conditions matérielles offertes dans son école et envisager des solutions quand les problèmes surgissent de manière imprévue ou prévue (par ex. lorsque la salle prévue pour pratiquer n’est finalement plus disponible).
    • « C’est au yoga de s’adapter à chacun et non à chacun de s’adapter au yoga » Krishnamacharya. L'enseignant.e doit proposer une pratique prenant en compte et respectant la réalité de vie, les habiletés, et l’âge de chaque élève. La pratique devrait pouvoir être accommodée aux besoins physiques et développementaux particuliers de chacun.e (par ex. élèves ayant des limitations physiques, extravertis ou introvertis…)
  3. L’organisation des séances doit susciter la motivation et le plein potentiel des élèves tout en étant facilement applicable par l’enseignant.e :
    • Les postures proposées ainsi que le niveau de difficulté sont variées tout en respectant les limites de chaque élève.
    • La pratique du yoga se veut ludique: des activités créatives (par ex. changer rapidement de positions, intégrer des histoires, contes, musiques, activités, poésie, chansons, art …) et des périodes de relaxation (par ex. des massages, des étirements, des brefs exercices de respiration …) peuvent être intégrées.
    • Les séances de yoga devraient se dérouler régulièrement (quotidiennement si possible) et durer entre 1 et 5 minutes. Aucun matériel particulier n’est requis et les séances devraient avoir lieu dans la salle de classe de préférence lors des moments de transition (par ex. après la récréation ou le dîner).
  4. L’enseignant.e adopte une posture ouverte, authentique et à l’écoute :
    • Bien que cela ne soit pas obligatoire, il peut être pertinent que l'enseignant.e pratique le yoga dans sa vie personnelle afin de promouvoir les valeurs et en faciliter l’intégration.
    • S’impliquer dans la pratique, en faisant preuve de dynamisme, de passion et en montrant son désir d’enseigner, favorise la motivation des élèves.
    • Le yoga peut aussi être utilisé pour promouvoir la différence en valorisant les forces de chacun.e et en encourageant les efforts et la persévérance, notamment chez les adolescent.e.s.
    • Il est primordial que l'enseignant.e s’affranchisse de la posture enseignante traditionnelle. En effet, les modèles d’enseignement explicite traditionnels ne devraient pas être utilisés et la liberté d'expression devrait être encouragée. Par exemple, si cela semble nécessaire, l’enseignant.e peut prendre un temps pour écouter les enfants afin de leur permettre de tisser des liens.
    • Les rétroactions sont individualisées, adaptées aux besoins de l’élève et offertes sous diverses modalités (physique et verbale) afin de favoriser sa confiance en soi.
    • L’enseignant.e favorise la reconnaissance de l’individualité au sein du groupe.

LE RÔLE DE LA DIRECTION DE L’ÉCOLE

  1. Fournir des ressources matérielles aux enseignant.e.s notamment en octroyant un budget réservé pour permettre aux enseignant.e.s d’être accompagné.e.s par un.e professeur.e certifié.e de yoga ou de l’engager. Selon ses ressources, la direction d’école peut aussi fournir des conditions facilitantes, mais non nécessaires telles que des tapis et un accès à une salle calme où il est possible de contrôler la luminosité et la température. La pratique du yoga est adaptable et se veut accessible au plus grand nombre. Ainsi, il est possible de limiter les coûts associés à cette pratique notamment en proposant des cours de yoga en ligne avec des capsules vidéo ou en regroupant plusieurs classes.
  2. Intégrer le yoga dans le cadre concret de l’école
    • La direction d’école devrait promouvoir cette pratique auprès des parents, des élèves et du personnel scolaire. Les bienfaits du yoga sur l’élève et sur la classe ainsi que ses principes fondateurs sont à mentionner afin de favoriser l’adhésion de chacun.e à cette pratique. Par exemple, l’école peut relater que le yoga offre aux élèves des outils tangibles et leur permet de mieux relever les défis au quotidien. Il est nécessaire de spécifier le caractère laïc de cette pratique. La posture enthousiaste et ouverte adoptée par l’équipe école influence positivement la réceptivité des parents et des élèves.
    • Afin de ne pas avoir d’attentes irréalistes telles que des résultats précis dans une période de temps déterminée, il revient à la direction de « cibler la clientèle et déterminer les objectifs principaux d’un tel projet, par exemple: contrer le décrochage scolaire, faire bouger les élèves, apprendre à relaxer, réduire le stress, calmer l’agitation motrice, accentuer la mémoire de travail, travailler sur la concentration et la qualité de l’attention par la méditation, augmenter l’estime de soi, etc. (Professeurs 4, 8) ».
    • La pratique du yoga devrait être intégrée officiellement à l’horaire (par ex. avant les cours d’éducation physique) tout en respectant le jugement professionnel de l’enseignant.e.

CONCLUSION

Il existe des défis quant à l’inclusion du yoga en contexte scolaire. En effet, les résistances (par ex. issues de fausses croyances liées au yoga), le manque d’intérêt des principaux.ales acteurs.trices concerné.e.s, les contraintes organisationnelles (ex. la charge de travail des enseignant.e.s) peuvent freiner l’intégration de cette pratique. De plus, dans certains cas, la taille du groupe, les divergences de points de vue entre les différent.e.s intervenant.e.s (par ex. en termes de discipline), le manque d’accompagnement de l’enseignant.e complexifient la mise en place des séances.

Cependant, les professeur.e.s de yoga interrogé.e.s révèlent que la majorité des défis sont surmontables. En effet, le yoga est une pratique adaptable, prête à se vivre sous la pluralité des éventualités, tel que les recommandations issues de cette fiche le suggèrent. « Il y a plein de scénarios possibles, il n’y a pas rien qu’une recette, il y en a plusieurs. C’est la beauté de l’humain ! (Professeur.e 3) ». D’ailleurs, les articles consultés mentionnent la supériorité des bienfaits en comparaison des défis. En effet, tel que le mentionnent plusieurs professeur.e.s certifié.e.s la pratique du yoga est toujours bénéfique quel qu’en soit sa durée ou le degré de motivation de chacun. « On dit que quand on est dans un cercle, ensemble, dans une même salle, si la majorité dégage de l’ocytocine de détente et de bien-être, alors tout le monde en dégage, même ceux et celles qui ne participent pas. Alors c’est le fun, parce que l’enfant qui n’avait pas le goût de faire du yoga, peut-être qu’à la fin du cours il va quand même bâiller parce que ça l’a calmé [...]. C’est le fun de voir que le yoga, c’est contagieux, en fait ! (Professeur.e 6) ».

Photo de Jacques Cherblanc

Jacques Cherblanc

Professeur régulier
Université du Québec à Chicoutimi

En savoir plus

  • Cloutier, I., Bergeron-Leclerc, C. et Cherblanc, J. (2023). Les défis et les enjeux de l’intégration du yoga dans les écoles primaires et secondaires. Dans J. Cherblanc et C. Bergeron-Leclerc (Dir.). Le yoga à l’école primaire à l’université : pourquoi et comment ? (p. 227-282). Québec : Presses de l’Université du Québec.
  • Gouvernement du Québec. (2023). ÉKIP : Santé, bien-être et réussite éducative des jeunes. Gouvernement du Québec. ÉKIP : Santé, bien-être et réussite éducative des jeunes | Gouvernement du Québec (quebec.ca)
  • Patel, N.K., L. Nivethitha et A. Mooventhan (2018). «Effect of a yoga based meditation technique on emotional regulation, self-compassion and mindfulness in college students», Explore: The Journal of Science & Healing, 14(6), p. 443-447. https://doi.org/10.1016/j.explore.2018.06.008
  • Piché, G., Cournoyer, M., Bergeron, L., Clément, M. -È. et Smolla, N. (2017). Épidémiologie des troubles dépressifs et anxieux chez les enfants et les adolescents québécois. Santé mentale au Québec, 42(1), 19-42. https://doi.org/10.7202/1040242ar
  • Sarkissian, M., N.L. Trent, K.K. Huchting et S.B.S. Khalsa (2018). «Effects of a Kundalini Yoga program on elementary and middle school students’ stress, affect, and resilience», Journal of Developmental & Behavioral Pediatrics, 39(3), p. 210-216, https://doi.org/10.1097/DBP.0000000000000538
  • Shreve, M., A. Scott, C. McNeill et L. Washburn (2021). «Using yoga to reduce anxiety in children: Exploring school-based yoga among rural third-and fourth-grade students», Journal of Pediatric Healthcare, 35(1), p. 42-52. https://doi.org/10.1016/j.pedhc.2020.07.008