Périodiques professionnels

L'INFOrm@teur, 4(1) 2011

Revue virtuelle pour les administrateurs du domaine de l’éducation en françaisL’INFOrm@teur
Vol. 4 no 1 – Avril 2011
Regroupement national des
directions générales de l’éducation
435, rue Donald, bureau 203
Ottawa ON K1K 4X5
Tél. : 613 744-3443
Téléc. : 613 744-1685
info@fncsf.ca – fncsf.ca
Comité éditorial
L’INFOrm@teur
Roger Paul,
directeur éditorial
Gérard Auger,
membre du comité éditorial
Jean-Guy Levesque,
membre du comité éditorial
Lyse-Anne Papineau,
membre du comité éditorial
Anne-Marie Dessureault,
éditique
Pour soumettre une idée, un texte
ou toute autre information, vous
pouvez contacter le directeur
éditorial (rpaul.fncsf@bellnet.ca)
ou un des membres du comité.
Dans ce numéro
Les médias sociaux et le
Web 2.0 pour l’enseignement
et l’apprentissage
Mot du président .......................1
Orientations proposées .............2
Initiatives pratiques
Ontario ...............................7
Atlantique ..........................8
Collaboration spéciale.............11
À vous la parole! .........................13
Avis juridique ..............................14
Bienvenue aux nouveaux
membres du RNDGÉ .................15
Vous souvenez-vous de…........18
Mot du président
Il est important de bien comprendre les rôles que jouent les médias
sociaux, le Web 2.0 pour l’enseignement et l’apprentissage en
milieu francophone minoritaire. Il n’est pas nécessaire d’être soimême
un expert ou un « techie » comme disent nos collègues
anglophones pour comprendre et faire la promotion de l’utilisation
efficace des nouvelles technologies de l’information. Le Web 2.0
et les médias sociaux facilitent la mise en place d’un nouveau
type d’enseignement et d’apprentissage, remettant en cause
les formes conventionnelles de pédagogie. C’est ce qu’avance
M. Thierry Karsenti dans l’article de fond qu’il a préparé pour ce
numéro de la revue L’INFOrm@teur.
M. Karsenti a agi à titre de formateur lors de notre dernière formation estivale. Il a également
été invité à offrir une journée de formation aux présidences de nos conseils scolaires en marge
du congrès annuel de la FNCSF tenu à Saskatoon en octobre 2010. Lors d’une enquête
récente menée par son équipe auprès de 2 432 élèves, 272 enseignantes et enseignants et
trois directions d’école, il a pu identifier certains avantages du Web 2.0 pour l’enseignement
et l’apprentissage. Parmi ces avantages, notons, entre autres : une facilitation du travail des
enseignants et des apprenants, un accès accru à l’information actuelle et de qualité, une
motivation accrue et une attention améliorée des élèves ainsi qu’une interaction accrue entre
les élèves, les enseignants et les parents.
Vous trouverez dans le présent numéro plusieurs articles fort intéressants, dont l’article de
fond tel qu’il a été mentionné qui traite du passage du Web 1.0 au Web 2.0 ainsi que des
exemples des implications pour nos écoles. Exceptionnellement et pour une première fois,
nous incluons un article d’un conseil scolaire albertain anglophone paru dans la revue Leaders
& Learners de l’Association canadienne des administrateurs scolaires qui s’intitule « Back to
the Future ». Ces articles soulèvent plusieurs questions. Le Web 2.0 et les médias sociaux
viennent-ils enrichir, rehausser, approfondir les apprentissages? Avons-nous ou aurons-nous
les infrastructures nécessaires pour une pleine utilisation? Y a-t-il des risques à courir? Quels
sont les avantages pour un enseignement et des apprentissages visant à préparer nos élèves
pour le 21e siècle?
En terminant, je tiens à remercier tous nos collaborateurs, nos collaboratrices et nos
partenaires qui ont mis la main à la pâte pour nous offrir un autre numéro riche en contenu,
et ce, malgré les nombreuses contraintes de temps que nous rencontrons tous et toutes au
quotidien. Bonne lecture!
Denis Ferré
Président, RNDGÉ
2
L’INFOrm@teur
Orientations proposées
Par Thierry Karsenti, M.A., M.Ed., Ph.D.
Directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante, Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation
Professeur titulaire, Faculté des sciences de l’éducation, Université de Montréal
À une vitesse de plus en plus fulgurante, le monde de l’éducation évolue dans un contexte de mutation du rapport au savoir et entre de plain-pied dans l’univers du Web 2.0 et des médias sociaux. En l’espace de quelques années seulement, Internet est devenu pour plusieurs un élément indispensable du quotidien : le nombre d’internautes sur la Terre est passé de 16 millions en 1995 à plus de 2 milliards en 20101; le nombre d’usagers de Facebook de quelques centaines en 2004 à plus de 500 millions en 20112. Quant à Twitter, qui occupe actuellement le 9e rang des « sites » les plus utilisés3, il est passé de quelques centaines d’usagers en 20064 à plus de 190 millions en 20115. Cette popularité exponentielle du Web 2.0 et des médias sociaux annonce également une révolution depuis longtemps anticipée en éducation. La société mondiale du savoir, promise dans les années 1970, vantée dans les années 1980 et envisagée dans les années 1990 avec un respect mêlé de crainte et d’incrédulité est devenue, au XXIe siècle, une réalité incontournable. Qu’est-ce qui a changé entre le Web 1.0 et le Web 2.0? Que sont les médias sociaux? Quels sont leurs impacts pour l’enseignement et l’apprentissage dans les milieux francophones minoritaires? Dans ce texte, nous tenterons de répondre brièvement à ces importantes questions.
« … l’internaute 1.0, qui était relativement passif sur Internet, est devenu l’internaute 2.0 qui joue un rôle beaucoup plus actif sur le Web. »
Du Web 1.0 au Web 2.0
L’arrivée du Web 2.0 correspond à la fois à l’apparition de nouveaux outils logiciels tels que Facebook (2e site plus consulté au monde6, YouTube (3e), Blogger (6e), Wikipedia (7e), Twitter (9e), etc. Le Web 2.0 est aussi caractérisé par des innovations technologiques comme les iPods, iPhones, iPads, etc. qui ont littéralement fait voler en éclats le
1Source : International Telecommunication Union, 20102Source : http://www.facebook.com/press/info.php?timeline3Source : http://www.alexa.com4Source : http://blog.hubspot.com/blog/tabid/6307/bid/6505/the-march-of-twitter-analysis-of-how-and-where-twitter-spread.aspx5Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Twitter6Source : http://www.alexa.comconcept d’accès à Internet, en le déplaçant de la salle d’informatique, de la maison ou du bureau… à la paume de sa main ou à la poche de son pantalon, peu importe où l’on se trouve.
Le Web 2.0, c’est aussi et surtout une démocratisation draconienne du contenu diffusé sur Internet, un changement technologique brutal pour l’internaute où les technologies de toutes sortes mobilisent de plus en plus son savoir, son savoir-faire, et son savoir-être. En fait, l’internaute 1.0, qui était relativement passif sur Internet, est devenu l’internaute 2.0 qui joue un rôle beaucoup plus actif sur le Web. Il y a à peine dix ans, on ne faisait que consulter des informations, sans réellement participer activement au contenu de la webosphère, un peu comme un élève qui assiste de façon atone à un cours magistral. Mais depuis l’avènement du Web 2.0, on peut non seulement trouver de l’information beaucoup plus facilement, mais aussi l’organiser, l’indexer et la partager en quelques clics. On peut surtout, avec une facilité déconcertante, être producteur de contenu et comme des millions d’internautes le font quotidiennement, donner son avis sur le contenu produit par d’autres. Le Web 2.0, ce n’est plus une quantité importante de pages Web où il était nécessaire de préciser la dernière mise à jour. Au contraire, avec le Web 2.0, ce qui se trouve sur le Web est plutôt le reflet du monde, de ce qui s’y passe en temps réel, des personnes qui s’y trouvent et qui y laissent leur trace, exploitée de diverses façons par une multitude de systèmes comme Google, Facebook, YouTube ou Twitter. Les citoyens de tous les pays ont ainsi la possibilité d’être les artisans de leur destinée numérique, et, donc, de participer activement à la connaissance, au savoir présent sur Internet. Avec le Web 2.0, le savoir est non seulement accessible sous diverses formes (texte, audio, vidéo), mais il y a également la question de l’instantanéité qui rend ces technologies encore plus séduisantes. Un événement majeur est en cours à l’autre bout du monde? On le retrouve quelques minutes plus tard sur YouTube (en vidéo). Puis, au-delà de l’accessibilité de plus en plus universelle, de la question de l’instantanéité, il y a également celle d’avoir l’impression de participer à la construction de ce savoir collectif, de cette société du savoir.
Quels rôles jouent les médias sociaux et le Web 2.0 pour l’enseignement et l’apprentissage en milieu francophone minoritaire?
Volume 4, numéro 1 – Avril 2011
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Wikipedia, pour mieux comprendre le glissement entre le Web 1.0 et le Web 2.0
Wikipedia, une encyclopédie « multilingue, universelle, librement diffusable, disponible sur le Web », écrite par des milliers d’internautes, et qui a vu le jour il y a à peine 10 ans est un bon exemple du glissement entre le Web 1.0 et le Web 2.0. Cette encyclopédie virtuelle représente assurément le rêve des Diderot, D’Alembert et autres encyclopédistes du XVIIIe siècle qui souhaitaient réunir toute la connaissance dans un seul ouvrage. Wikipedia, avec ses 17,6 millions d’entrées7 dans quelque 276 langues différentes8, est devenu le 7e site le plus visité sur Terre9. Cette encyclopédie est d’ailleurs de plus en plus utilisée dans les institutions scolaires de tous les pays du monde. Pourquoi représente-t-elle bien le Web 2.0? Il y a lieu de s’arrêter quelques minutes à son fonctionnement. Tout d’abord, parce qu’elle a la particularité de pouvoir être éditée par tout individu, grâce à la technologie wiki qui permet la création et la modification des pages d’un site par toute personne autorisée. Et c’est là que la diffusion du savoir, que le rôle de l’internaute prend un virage tout à fait inattendu avec le Web 2.0. En effet, quiconque souhaite modifier une entrée dans Wikipedia n’a qu’à se rendre sur le site de l’encyclopédie pour apporter les changements à l’entrée de son choix. En plus d’être la plus populaire, Wikipedia est donc aussi, parfois, la plus controversée (voir Karsenti, 2006). En effet, si tout le monde peut éditer des entrées de l’encyclopédie, comment peut-on s’assurer que le contenu soit aussi juste que celui des vraies encyclopédies? C’est cette question qui a amené la prestigieuse revue Nature à mettre en place une équipe d’experts, dont l’objectif était de comparer la véracité de l’information trouvée dans Wikipedia et dans l’encyclopédie Britannica, surtout dans le domaine des sciences pures et appliquées (Giles, 2005). Résultat : aucune différence significative entre les deux encyclopédies, et ça, c’était en 2005. Depuis, le nombre d’entrées sur Wikipedia – et leur qualité également – a progressé de façon exponentielle. En fait, Wikipedia est tellement consultée – ce qui n’est pas nécessairement le cas des encyclopédies en bibliothèque – qu’il existe une certaine forme d’autorégulation du contenu diffusé. Si une information fausse est présente, elle est rapidement corrigée par un visiteur. À l’image du Web 2.0, Wikipedia a l’avantage de pouvoir évoluer et d’être corrigée rapidement, ce qui n’est pas le propre des encyclopédies imprimées parfois tous les cinq ans. Soulignons aussi, tel que l’indique le site de Wikipedia, que le contenu doit être respectueux de la neutralité de point de vue, en s’assurant le plus possible de rapporter objectivement des idées
7Source : http://stats.wikimedia.org/EN/TablesWikipediaZZ.htm8Source : http://stats.wikimedia.org/EN/Sitemap.htm9Source : http://www.alexa.comou des faits soutenus par des sources vérifiables. D’internautes relativement atones qui consultaient des informations en ligne, Wikipedia invite donc tout visiteur – apprenant ou enseignant – à participer à la co-construction du savoir universel présent sur le Web, et c’est justement là la richesse du Web 2.0. Cela permet d’abord et avant tout d’impliquer activement les apprenants.
« En fait, Wikipedia est tellement consultée – ce qui n’est pas nécessairement le cas des encyclopédies en bibliothèque … »
Et les médias sociaux, dans tout ça?On l’a dit, le Web 2.0 permet, même pour le plus technophobe, et en quelques clics de souris seulement, de donner son opinion sur ce savoir qui est partagé, gratuitement et rapidement sur Internet. Ce système, le philosophe Marshall MacLuhan l’avait déjà imaginé à la fin des années 1960, quand il affirmait que tous les gens pourraient, un jour, communiquer entre eux, en quelques secondes, sans efforts, et partager ainsi la connaissance. L’idée du village global vient de lui, mais elle prend une tout autre forme avec l’arrivée du Web 2.0 et des logiciels sociaux comme Facebook ou Twitter. Car le Web 2.0, c’est aussi l’ère des médias sociaux sur Internet. Les médias sociaux, c’est en quelque sorte une étiquette qui a été apposée pour souligner l’évolution du rôle des usagers et surtout des groupes d’usagers organisés en communautés plus ou moins structurées. On parle souvent de Web social pour désigner les applications qui ont émergé ces dernières années du Web comme Facebook ou Twitter. Avant on se servait d’Internet pour partager des documents, des informations, des logiciels, de la musique même. Avec les réseaux sociaux, on se sert d’Internet, par différents systèmes, à la fois pour socialiser ou interagir avec les autres (1), mais aussi pour créer, modifier, commenter ou indexer du contenu (2). L’appellation média social met l’accent sur le rôle du groupe et sur ce que certains appellent l’intelligence collective, c’est-à-dire la capacité d’un groupe d’individus à s’organiser pour produire une oeuvre commune dont la qualité dépasse celle que chacun serait capable de produire seul. Cette notion n’est pas née avec le Web 2.0 mais trouve ses prémices dans divers travaux dont ceux de Salomon et Perkins (1998) à travers des concepts tels que l’intelligence distribuée.
4 L’INFOrm@teur
« … le Web 2.0 dans son ensemble est un exemple phénoménal de co-construction du savoir. »
Avec l’exemple de Wikipedia que nous avons cité, il est certain que le système mis en place (le wiki) joue un rôle facilitateur, mais la valeur réelle est créée par et pour la communauté des utilisateurs. En fait, Wikipedia, qui est issu du Web 2.0, a trouvé une façon d’exploiter l’intelligence collective, de façon constructive, par sa gestion et son exploitation de quantités massives de données générées par les utilisateurs en temps réel. Wikipedia nous montre donc qu’un grand groupe de personnes peut créer une oeuvre collective dont la valeur dépasse largement celle que peut aspirer produire seul un individu. En fait, le Web 2.0 dans son ensemble est un exemple phénoménal de co-construction du savoir. Les médias sociaux tels que Facebook ou Twitter se servent donc de l’intelligence collective des usagers, dans un esprit de collaboration en ligne, pour créer leur propre contenu. Cette révolution du rôle des individus de partout dans la construction du savoir présent sur Internet a même incité le magazine Time à identifier les millions d’internautes (You) qui collaborent intensément et contribuent par le fait même au contenu présent sur Wikipedia, YouTube, Facebook, comme étant « la personne de l’année en 2006 » :
« It’s a story about community and collaboration on a scale never seen before. It’s about the cosmic compendium of knowledge Wikipedia and the million-channel people’s network YouTube […]. It’s about the many wresting power from the few and helping one another for nothing and how that will not only change the world, but also change the way the world changes » (Grossman, 2006).
Selon Wikipedia, ils sont plus de 1,5 milliard de personnes à utiliser les médias sociaux – le quart de la population de la Terre – répartis sur tous les continents. Pourquoi ces réseaux sont-ils si populaires? Qu’ont-ils donc pour susciter autant d’engouement? C’est à la fois la facilité d’accès à l’information, la quasi-instantanéité de sa présence sur le Web, mais aussi l’impression – réelle – de pouvoir participer à la construction de cette information qui rendent les TIC si populaires. Les grands journaux comme LeMonde.fr ont rapidement compris cette popularité du Web 2.0 et n’ont pas ménagé leurs efforts pour que leur journal, pourtant si traditionnel jadis, embrasse toutes les nouvelles possibilités offertes par les TIC. Ainsi, par exemple, non seulement les internautes-lecteurs de ce journal prennent-ils plaisir à lire les textes des journalistes, mais ils ne se gênent pas non plus pour les commenter via le blog mis en place, ou encore pour répliquer aux critiques d’autres internautes, également présents sur les différents blogs du Monde. Pour sa part, Amazon est devenu le premier site au monde pour la vente de livres, non pas parce qu’il en permet l’achat en quelques secondes, dans le confort de son salon ou à partir de son iPhone, mais plutôt parce qu’il permet de voir les commentaires de ceux qui ont acheté le même livre, voire de savoir ce qu’ont aussi acheté ces personnes. C’est cet aspect social qui rend le Web 2.0 et, dans ce cas précis, le site d’Amazon, encore plus populaires.
Qui aurait pu se douter que le fait de savoir ce que font les autres, ce qu’ils lisent, ce qu’ils pensent serait si populaire? Les concepteurs de Twitter l’ont, eux, rapidement compris. Cela leur a permis d’avoir créé le site Web (qui offre le service de microblogging le plus populaire au monde) qui a connu la plus grande percée sur le marché. Mais comment imaginer qu’un site Web qui ne permet d’envoyer des messages d’au plus 140 caractères, tant à ses followers ( ces gens qui vous suivent sur Twitter ) qu’à l’ensemble des usagers du site, devienne si populaire? C’est que les gens aiment savoir ce que font leurs pairs ou encore l’opinion, en temps quasi-réel, de leurs amis sur ce qui se passe ici ou ailleurs. Par analogie, si on cherche de l’information sur la dernière réforme en éducation proposée par Barak Obama, on va sur Google. Mais si on veut savoir ce que les gens pensent de son dernier discours sur le rôle des parents dans l’éducation qu’il est en train de prononcer, on va sur le moteur de recherche de Twitter et on obtient des centaines de commentaires, avant même la fin du discours prononcé. Dans le domaine de l’éducation, dans de plus en plus de colloques, les conférenciers créent des pages Twitter pour permettre aux participants de commenter en temps réel à la conférence. Pour l’avoir expérimenté à quelques reprises, il est plus intéressant, mais aussi parfois menaçant, de savoir que les participants qui regardent une conférence participent si activement. On leur demande d’écouter (ce que le conférencier dit), de partager leurs impressions, mais aussi de lire ce que les autres pensent de ce qui a été dit. De quoi impliquer activement tous les participants à une conférence. Révolue la récente époque ou plusieurs consultaient leur courriel pendant une conférence, en feignant de prendre des notes. Avec Twitter, on est trop curieux de ce que disent ou pensent les autres. Mises à part ces quelques rares exceptions, en éducation, les innovations issues du Web 2.0 tardent néanmoins à être adoptées.
Enfin, au cours des dernières années, avec le Web 2.0, ce qui a réellement changé – et cela fait parfois peur à plusieurs – c’est que les outils technologiques d’aujourd’hui ne sont plus uniquement contrôlés par les individus qui entrent des informations, mais de plus en plus par des capteurs qui envoient, parfois à notre insu, des informations à un système qui gère, organise et indexe cette information (l’exemple des applications du iPhone qui font appel à la géolocalisation en est un).
Volume 4, numéro 1 – Avril 2011 5
Avantages du Web 2.0 pour l’enseignement et l’apprentissage?
Plusieurs considèrent qu’apprendre est un acte social qui se construit notamment à partir d’échanges ou d’interactions qui se déroulaient traditionnellement dans une salle de classe où étaient regroupés des élèves et un enseignant. Le Web 2.0 et les médias sociaux facilitent la mise en place d’un nouveau type d’enseignement et d’apprentissage, remettant en cause les formes conventionnelles de la pédagogie. Certains l’appellent même l’enseignement ou l’apprentissage 2.0 (voir Karsenti et Collin, 2011), en faisait référence en partie au concept du Web 2.0 où les internautes, contrairement au Web 1.0, ne sont plus uniquement des navigateurs passifs, mais au contraire participent activement à ce qui est retrouvé sur la toile. Avec l’arrivée des nouveaux outils technologiques (ordinateurs portatifs, iPhone, iPad, iPod, etc.) et logiciels (Google, Facebook, YouTube, Wikipedia, etc.), Internet est devenu plus convivial que jamais et offre une gamme de possibilités incroyables pour l’enseignement et l’apprentissage, pour ceux et celles qui en possèdent les clés.
« Le Web 2.0 et les médias sociaux facilitent la mise en place d’un nouveau type d’enseignement et d’apprentissage, remettant en cause les formes conventionnelles de la pédagogie. »
Une récente enquête menée par mon équipe auprès de quelque 2 432 élèves (de la 3e à la 11e année), 272 enseignants, 14 intervenants éducatifs et trois directeurs d’école nous a permis d’identifier concrètement les avantages du Web 2.0 pour l’enseignement et l’apprentissage. On en compte 12 principaux : (1) facilitation du travail des enseignants et des apprenants; (2) accès accru à l’information actuelle et de qualité; (3) motivation accrue des élèves; (4) attention améliorée des élèves; (5) développement de l’autonomie des élèves; (6) interaction accrue entre les élèves, les enseignants et les parents; (7) apprentissage individualisé, différencié; (8) apprentissage actif, interactif et signifiant exploitant les supports multimédias; (9) développement de compétences TIC; (10) accès au savoir à tous; (11) décloisonnement de l’école sur la société; (12) et opportunités d’avenir amplifiées. En ce qui a trait aux milieux francophones minoritaires, il est intéressant de faire remarquer qu’il y a moins de dix ans, les enseignants plaçaient l’isolement (social, linguistique, etc.) et la disponibilité de matériel en français à la tête des défis rencontrés dans leur pratique (voir Gérin-Lajoie, 2001). Avec le Web 2.0, avec les médias sociaux, avec Wikipedia, ces défis, même s’ils sont toujours présents, sont beaucoup plus faciles à surmonter. À titre d’exemple, en moins de deux ans, le nombre d’entrées en français sur Wikipedia est passé de quelque 200 000 à plus d’un million. Cette augmentation illustre du même coup que les ressources en français sont de plus en plus présentes sur Internet, et ainsi accessibles aux enseignants et apprenants des milieux francophones minoritaires.
En outre, parce qu’elles forment à l’heure actuelle le principal médium d’accès à l’information et au savoir – on compte, chaque mois, plus de 131 milliards de recherches sur Google (comScore, 2010) –, le Web 2.0 couvre des enjeux de pouvoir et de développement de plus en plus élevés. À ce titre, il faut considérer le développement du Web 2.0 dans une société donnée comme un capital à part entière, parallèlement aux capitaux humain, physique et financier, et tout aussi essentiel pour son économie. Transposée au plan éducatif, l’idée d’un « capital techno-pédagogique » serait de plus en plus déterminante pour la réussite scolaire, d’abord, puis professionnelle ensuite, et qu’il conviendrait donc de développer, non pas comme un objet d’apprentissage en soi mais bien comme un medium essentiel à la gestion et l’appropriation des apprentissages. Autrement dit, les apprenants doivent pouvoir pleinement et librement comprendre le fonctionnement et les avantages de l’ensemble diversifié de ressources présentes sur le Web 2.0, afin d’en tirer profit pour assurer leur réussite sur le long terme. Il s’agit là d’un enjeu éducatif qui, en tout état de cause, ne va qu’augmenter à l’avenir et dont il est bon de prendre la mesure dès maintenant.
« Autrement dit, les apprenants doivent pouvoir pleinement et librement comprendre le fonction-nement et les avantages de l’ensemble diversifié de ressources présentes sur le Web 2.0, afin d’en tirer profit pour assurer leur réussite sur le long terme. »
Conclusion
Il n’y a pas si longtemps, on disait que la télévision était devenue un phénomène quasi-naturel pour les enfants qui ont « grandi avec ». De nos jours, il en est de même avec le Web 2.0 et les médias sociaux qui sont omniprésents dans notre société. Car, comme un soleil qui ne se couche jamais, comme l’implantation trop rapide de l’écriture dans la société déplorée par Socrate, le Web 2.0, les médias sociaux et l’innovation qu’ils représentent marquent la grande majorité des élèves et des enseignants du XXIe siècle. Le Web 2.0 et les médias sociaux contribuent-ils réellement à une démocratisation des savoirs fondamentaux? Viennent-elles nécessairement enrichir, rehausser et approfondir les apprentissages qui se réalisent à l’université? Atténuent-elles, comme on pourrait le souhaiter, la dichotomie entre l’élite et la masse? Je suis enclin à penser que oui.
6 L’INFOrm@teur
« En fait, ce qu’Umberto Eco suggère, à sa façon, et ce, afin de permettre aux générations futures de survivre dans notre société du savoir, c’est de développer chez eux des compétences informationnelles, car c’est là que se trouvent les clés du Web 2.0. »
Et avec l’omniprésence du Web 2.0 et des médias sociaux dans toutes les sphères de la société, avec cette nouvelle façon que jeunes et moins jeunes ont d’accéder à la connaissance, avec la popularité grandissante des Facebook, YouTube ou Wikipedia, il n’est plus possible de regarder de loin les technologies, en particulier dans les milieux francophones minoritaires. Comme l’indiquait récemment Umberto Eco, « à l’avenir, l’éducation aura pour but d’apprendre l’art du filtrage. Ce n’est plus nécessaire d’enseigner où est Katmandou, ou qui a été le premier roi de France après Charlemagne, parce qu’on le trouve partout. En revanche, on devrait demander aux étudiants d’examiner quinze sites afin qu’ils déterminent lequel, selon eux, est le plus fiable. Il faudrait leur apprendre la technique de la comparaison » (Fottorino, 2010). En fait, ce qu’Umberto Eco suggère, à sa façon, et ce, afin de permettre aux générations futures de survivre dans notre société du savoir, c’est de développer chez eux des compétences informationnelles, car c’est là que se trouvent les clés du Web 2.0.
Le concept de compétence informationnelle en contexte éducatif désigne l’ensemble des compétences nécessaires pour que l’apprenant ou le formateur soit en mesure d’identifier clairement l’information recherchée (1), de la rechercher à l’aide des outils appropriés (2) et de la traiter efficacement (3), d’en faire la validation sociale et scientifique (4), d’être conscient de son usage éthique et légal (5), et enfin de communiquer efficacement l’information trouvée (6) (voir Karsenti, Komis et Depover, sous presse). Les compétences informationnelles dans notre société du savoir sont d’une importance capitale pour l’éducation (voir UNESCO, 2006). En Amérique, cela fait près de dix ans qu’Internet est la première source d’accès au savoir. Sans disparaître complètement, les divers problèmes reliés à l’accès à Internet ont graduellement fait place à des problèmes liés à l’excès d’information sur ce dernier. De fait, avec plus de 27,5 millions de pages Web indexées10, l’offre d’information est pléthorique et sans cesse grandissante. Pour s’y retrouver, l’utilisation des moteurs de recherche est devenue une habitude au sein de la grande majorité de la population. À titre d’exemple, la firme ComScore11 affirmait qu’il y avait eu plus de 131 millions de recherches effectuées mondialement, dont 87 millions sur Google, pour le seul mois de décembre 2009. De nos jours, il est donc difficile d’imaginer l’enseignement et l’apprentissage sans le Web 2.0 et les médias sociaux.
Note : ce document est publié sous une licence Creative Commons 2.5 de paternité (la moins restrictive). Pour mieux comprendre ce type de licence, consultez le site creativecommons.ca.
Références
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Fottorino, E. (2010, 12 octobre). Umberto Eco : « Je suis un philosophe qui écrit des romans ». Le Monde, p. 27.
Gérin-Lajoie, D. (2001). Les défis de l’enseignement en milieu francophone minoritaire : le cas de l’Ontario. Éducation et francophonie, 29(1). Récupéré de http://www.acelf.ca/c/revue/revuehtml/29-1/02-Gerin-Lajoie.html
Giles, J. (2005). Internet encyclopedias go head to head. Nature, 438, 900-901. Récupéré de http://www.nature.com/nature/journal/v438/n7070/full/438900a.html
Grossman, L. (2006, 13 décembre). Time’s person of the year : You.Time. Récupéré de http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,1569514,00.html
International Telecommunication Union. (2010). The world in 2010: ICT facts and figures. Genève, Suisse : Auteur. Récupéré de http://www.itu.int/ITU-D/ict/material/FactsFigures2010.pdf
Karsenti, T. (2006). Wikipedia contre Britannica. Autre Forum, 10(1), 30-31.
Karsenti, T. et Collin, S. (2011). L’enseignement-apprentissage 2.0 : la nécessité d’apprivoiser les technologies émergentes en enseignement supérieur! Bulletin de la HEP Bejune, 16, 18-21.
Karsenti, T., Komis, V., Depover, C. (sous presse). La recherche en sciences humaines à l’ère des TIC Accroître les possibilités - Développer les capacités - Intensifier les collaborations. Montréal : ERPI.
Salomon, G. et Perkins, D.N. (1998). Individual and social aspects of learning. Review of Reasearch in Education, 23, 1-24.
10http://www.worldwidewebsize.com/ (en date du 3 août 2010)11http://www.comscore.com/Press_Events/Press_Releases/2010/1/Global_Search_Market_Grows_46_Percent_in_2009
Volume 4, numéro 1 – Avril 2011 7
Par Paul de la Riva, coordonnateur des communications et du
développement communautaire
Conseil scolaire catholique du Nouvel-OntarioLe Conseil scolaire catholique du Nouvel-Ontario (CSCNO) s’est inspiré d’un modèle qui avait fait ses preuves dans l’ancienne Coopérative des Administrations scolaires catholiques du Nord de l’Ontario (CASCNO) afin de favoriser la collaboration et les échanges entre les élèves et les écoles situées dans des communautés éloignées, ainsi que de renforcer le rendement des élèves.
Lancé en 2005, le projet « S’unir pour réussir » avait permis à plusieurs élèves de l’élémentaire de se rencontrer au moyen de la technologie et par la suite de se réunir en personne. Des élèves ont pu ainsi participer à des activités d’actualisation linguistique et de construction identitaire ou à des programmes visant à renforcer les habiletés des élèves en mathématiques ou à les initier à la littérature franco-ontarienne.
L’amalgamation de certaines écoles de la Coopérative des Administrations scolaires catholiques du Nord de l’Ontario au CSCNO a fourni l’occasion d’intégrer le projet « S’unir pour réussir » dans les stratégies de ce dernier. C’est ainsi que, depuis 2009, quelques écoles des communautés d’Elliot Lake, Hornepayne, Dubreuilville et Noëlville participent à ce projet qui, cherchant à briser l’isolement des élèves, reflète bien leurs besoins par la création de liens entre les jeunes francophones de différentes communautés, rend les échanges entre les élèves et le personnel de certaines écoles francophones du Nord de l’Ontario plus facile et favorise la réussite de tous.
Durant l’année scolaire 2009-2010, le CSCNO a intégré le projet dans quatre de ses écoles. Dans un but de favoriser leur sentiment d’appartenance à la francophonie ontarienne et permettre aux élèves catholiques et francophones de découvrir des collectivités voisines, les élèves et le personnel scolaire ont mené des échanges par vidéoconférence. Lors de ces échanges, les élèves ont pu décrire leur réalité ainsi que les services offerts aux citoyens de leur collectivité. Ces interventions ont permis à ces élèves d’approfondir leur connaissance du Nord de l’Ontario et d’élargir leur espace catholique et francophone.
Initiatives pratiques
De septembre 2010 jusqu’à fin juin 2011, « S’unir pour réussir » comprend un plan d’action lié aux problèmes « logico-cocologiques » qui profitera aux élèves de 7e et 8e année des écoles St-Antoine (Noëlville), Georges-Vanier (Elliot Lake) et Saint-Nom-de-Jésus (Hornepayne). Voulant rehausser le succès des 24 élèves de ces trois communautés en résolution de problèmes dans les domaines de la numératie, du sens du nombre, de la mesure et de la modélisation et de l’algèbre, le CSCNO a voulu tirer profit des avantages pédagogiques offerts par Internet.
Séparées par des centaines de kilomètres, les écoles se sont rapprochées grâce à des rencontres via l’outil Web, « Windows Live ». Ayant été formés par leurs enseignants dans l’utilisation de divers logiciels et équipés de portables individuels, les 24 élèves ont pu dans un premier temps, travailler seuls aux problèmes « logico-cocologiques ». Par la suite, ils ont été jumelés à des collègues « virtuels » afin que chacun puisse partager ses solutions des problèmes avec les autres. Par la suite, les groupes présentaient leurs solutions aux autres groupes.
Ce type de processus de résolution de problèmes était répété toutes les deux semaines, permettant ainsi aux élèves d’apprendre les étapes à suivre pour améliorer leurs résultats en résolution de problèmes (numératie, sens du nombre, de la mesure, de la modélisation et de l’algèbre).
En juin 2011, le CSCNO effectuera des tâches d’ancrage afin de vérifier le taux de succès des 24 élèves de 7e et 8e année des écoles St-Antoine, Georges-Vanier et Saint-Nom-de-Jésus. Mesurer leur niveau de progrès en résolution de problèmes dans ces trois domaines permettra au conseil scolaire de déterminer si « S’unir pour réussir » a effectivement amélioré le rendement de ses élèves et d’identifier les modifications qui seraient requises pour rendre ce programme encore plus efficace.
Le projet original « S’unir pour réussir », conçu par le CASCNO, a été rendu possible grâce au financement du ministère de l’Éducation de l’Ontario (MÉO) et des fonds de l’Entente Canada-Ontario de 2005 à 2009. Depuis 2009, le projet est soutenu par le MÉO et le Consortium d’apprentissage virtuel de langue française de l’Ontario.
« S’unir pour réussir » – un modèle de partage et d’apprentissage qui fait son chemin dans
le Nouvel-Ontario
Ontario
8 L’INFOrm@teur
Utiliser le Web 2.0 dans des écoles 1.0
Par Roberto Gauvin, directeur au Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska
District scolaire 3, Nouveau-BrunswickNos écoles sont-elles le vrai reflet de notre société? Si l’on considère tous les progrès fantastiques réalisés au cours des dernières années, il est surprenant de constater que, dans plusieurs écoles, peu de projets utilisant les nouvelles technologies de l’information et des communications en éducation (TICE) existent. Le Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska12 (CAHM) du District scolaire 3, situé à Clair au Nouveau-Brunswick, est un leader dans l’utilisation et l’intégration des TICE au Nouveau-Brunswick et même au Canada francophone. L’école a été l’hôte récemment d’un deuxième colloque international intitulé : Clair2011 qui a réuni l’élite du Web francophone du Canada et d’ailleurs pour « Voir l’éducation autrement… ». Le Web 2.0 est souvent appelé le Web participatif. Il permet aux élèves de s’exprimer avec des textes, des enregistrements audio et vidéo et de recevoir une rétroaction souvent rapide de leurs collègues, des enseignants et des membres de leurs familles. Le Web 2.0 a remplacé le Web 1.0 qui était utilisé en gros pour partager de l’information statique et souvent désuète après quelques mois.Au CAHM, différentes initiatives du Web 2.0 ont été développées depuis plusieurs années. Par exemple, les élèves ont la chance d’utiliser un cybercarnet13 personnel, de participer à la production d’émissions de télévision placées sur YouTube, à faire des baladodiffusions jouées à la radio scolaire et de participer à un projet de l’accès direct à un ordinateur portable pour les élèves de 7e et de 8e année. De plus, le programme ENVOL14 permet aux élèves de développer leurs talents et leur autonomie avec différents volets offerts un après-midi par semaine. Récemment, un projet de robotique avec les ensembles Mindstorm de Lego a été lancé.
Le projet de cybercarnet du CAHM se base en partie sur les travaux d’Helen Barrett15 et a été développé en 2004 en partenariat avec Sébastien Paquet anciennement du Conseil national de recherches
12Site Web du Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska; http://cahm.elg.ca13Cybercarnet, cyberportfolio, blogues sont des termes utilisés pour désigner un portfolio électroniqueoù les élèves peuvent partager des textes sur le Web et recevoir des commentaires.
14Programme ENVOL; Programme d’Exploration Novateur avec des Volets Orientants et en Leadership.15Helen Barrett; http://electronicportfolios.com/16David Warlick; http://davidwarlick.com/17Digital immigrant vs Digital native selon les travaux de Marc Prensky.du Canada (CNRC) et Mario Asselin de la firme Opossum. Le but initial recherché était de développer un outil du Web 2.0 afin de permettre aux élèves d’apprendre à écrire pour lire, lire pour mieux lire, lire pour mieux écrire et écrire pour mieux écrire… En 2004, nous devions créer ces outils alors que maintenant certains services gratuits sont disponibles sur le Web. Les élèves ont donc la chance de travailler en communauté d’apprentissage réelle et il est possible de suivre la publication de leurs textes ainsi que les commentaires qui sont générés à même le Web.
L’autorité du savoir est maintenant différente et il faut redéfinir, selon David Warlick16, ce qu’est la littératie. Les jeunes sont des connecteurs et, pendant que nous les adultes voyons les machines, eux voient les possibilités. Nous sommes des immigrants des nouvelles technologies de l’information tandis qu’eux sont des natifs17. Ces jeunes ne connaissent donc pas le monde sans Google. La démarche d’apprentissage des élèves ainsi que la démarche pédagogique des enseignants doivent être différentes que dans des classes traditionnelles. On peut aussi voir une différence pour l’apprentissage des garçons. Ils écrivent plus et écrivent mieux. Par exemple, les élèves qui écrivent dans leur cybercarnet ne sont pas interrompus, les timides peuvent s’affirmer. En sachant qu’apprendre quelque chose se fait en 3 temps; expliquer, démontrer et pratiquer, nous croyons que les cybercarnets sont nos terrains de tennis de l’écriture. C’est là qu’on pratique et qu’on s’améliore.
Le cybercarnet permet aux enseignants d’explorer l’apprentissage par problèmes (APP) et de développer la pensée critique en écriture en intégrant un modèle du processus de l’écriture. Nous croyons que les enseignants ne sont pas des techniciens de l’enseignement mais plutôt des professionnels dans la création de contenus en compagnie de leurs élèves. De plus, des relationnels tels que Flickr, Wikispaces, YouTube, Del.icio.us, Prezi et autres permettent d’intégrer efficacement le Web 2.0 aux apprentissages quotidiens. Nous aurons donc à repenser la place des manuels scolaires à l’école, les devoirs et l’évaluation des apprentissages. Il faut donc revoir nos pratiques pédagogiques et laisser tomber celles qui n’ont pas beaucoup d’effet à long terme sur les apprentissages.
Atlantique
Initiatives pratiques
Volume 4, numéro 1 – Avril 2011 9
18Source : Nielsenwire : blog.nielsen.com/nielsenwire/online_mobile/cellphones-and-global-youth-mobile-Internet-and-messaging-trendsIl faut aussi comprendre que le succès de plusieurs projets technologiques n’arrive pas seulement avec l’achat d’ordinateurs ou avec la possibilité d’avoir accès à un budget spécial. Ce n’est pas si simple… Cela met à l’épreuve l’équipe et il faut avoir une culture organisationnelle qui permet la prise de risque et la possibilité de regarder « en dehors de la boîte ». Il ne faut pas sous-estimer le développement de la culture de la collaboration (ce n’est pas une perte de temps même si cela prend du temps pour y arriver) et qu’il faut avoir, dans la culture organisationnelle de l’école, la possibilité de prendre des risques avec le droit à l’erreur.
Travailler sur l’amélioration des apprentissages et en particulier de l’écriture est une aventure. C’est un voyage qui peut nous permettre d’avoir un impact dans l’apprentissage de tous les élèves et dans tous les sujets. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’apprentissage de l’écriture pour apprendre à mieux lire. De plus en plus d’écoles s’intéressent aux possibilités du Web 2.0. Il sera intéressant au cours des prochaines années de créer un vrai réseau entre les écoles francophones du pays afin de partager nos bons coups et pour ensemble développer de meilleurs apprentissages pour nos élèves.
Le Web 2.0 : apprendre dans un contexte authentique
Par Pierre Lavoie, agent pédagogique responsable du dossier APO
(application pédagogique de l’ordinateur)
District scolaire 5 L’Étoile du Nord, Nouveau-BrunswickLes systèmes d’éducation occidentaux sont des structures qui évoluent lentement au fil de diverses influences. L’arrivée du Web 2.0 constitue le premier grand bouleversement de notre ère. Son avènement vient changer nos moyens de communiquer et d’interagir. Le District scolaire 5 L’Étoile du Nord n’est pas imperméable à cette influence et cherche son intégration.
Les élèves du secondaire reçoivent et envoient, en moyenne, 3 339 messages textes par mois à partir d’un téléphone portable, d’un ordinateur, d’un baladeur ou d’une console de jeu18. De plus, 80 % de ceux-ci n’utilisent plus le courriel leur préférant l’instantanéité de la messagerie offerte par les réseaux sociaux. Le Web multiplie les outils qui permettent de s’informer, de créer et d’analyser de façon collective. La distance ne représente plus un obstacle à la collaboration et à la co-construction des savoirs à celui qui sait puiser dans les ressources du Web. Les outils sont là, mais sont-ils exploités par le monde scolaire? Comment faire des technologies de l’information et des communications (TIC) une valeur réellement ajoutée à l’apprentissage? La contradiction est de taille. Alors que les outils de communication pullulent, les écoles tardent à les intégrer à leur réalité. Dans un sondage tiré de « The Nielsen Company (2009) », 93 % des élèves rapportent que leurs écoles ont des restrictions sur l’utilisation des téléphones portables. La résistance est ainsi palpable. Il est néanmoins intéressant de constater que certains enseignants innovent et émergent des eaux troubles de l’expérimentation technologique avec succès et laissent miroiter, par leurs démarches, l’arrivée de nouvelles pratiques qui intègrent les TIC. Ils permettent ainsi de mieux saisir le geste dans sa spécificité; en voici quelques exemples.
Le programme d’anglais de l’école Arthur-Pinet est exploité de belle façon. Le meilleur moyen de comprendre une culture est par le contact avec ses habitants. L’enseignante a créé des liens avec une classe d’Italie, ce qui a permis aux élèves de la classe de construire leurs savoirs dans un contexte authentique de communication entre eux et les élèves italiens. L’activité sert l’atteinte des résultats d’apprentissage liés à la communication orale et écrite en anglais, et permet, évidemment, l’atteinte de certains objectifs du programme de sciences humaines.
L’école Le Domaine de copains voulant créer des contextes signifiants d’écriture, exploite le blogue avec ses élèves. Si vous visitez le site, vous pourrez y lire de courts textes écrits par les élèves de la 2e année. Bien que l’activité soit très intéressante, l’authenticité vient de l’interaction entre les lecteurs et les auteurs. Ainsi, on peut aussi lire les commentaires laissés par des collègues de classe et des parents des élèves. On devine l’impact sur la motivation quand l’élève constate qu’il est lu par des gens de sa communauté.
Le dernier de nos exemples se cache derrière l’initiative « Bien chez nous ». La rentrée scolaire 2011 sera fort différente pour les élèves des trois écoles du Restigouche-Est. Celles-ci fermeront leurs portes pour emménager dans un nouveau bâtiment désigné École innovatrice Microsoft. Au-delà d’un titre ronflant, les enseignants seront appelés à vivre dans une école qui s’actualise au contact des TIC. Afin de préparer les élèves à intégrer une communauté scolaire agrandie, les trois écoles ont conçu un projet qui permet aux élèves d’apprendre en collaboration à distance grâce à l’utilisation des TIC.
10 L’INFOrm@teur
Ainsi, à partir d’un scénario d’apprentissage de français qui valorise la communication écrite, les élèves sont regroupés en équipes de trois, et, à raison de quelques fois par semaine, construisent un texte.
Le succès déjà palpable de ces initiatives permet d’entrevoir les conditions qui permettent une intégration cohérente et pleine de sens pour les élèves et les enseignants.
• Fournir un accès fiable à la technologie
• Fournir un appui technique en début de projet
• Faire appel à une variété d’outils technologiques
• Intégrer les TIC à des scénarios pédagogiques solides qui mettent en place des mécanismes de différenciation et favorisent le lien avec l’authenticité de l’activité d’apprentissage.
Ces quelques éléments représentent nos constats au regard de certaines initiatives. Au-delà des achats et de l’élément novateur de l’intégration des TIC, l’élément le plus important d’un tel processus est de loin les qualités de nos pédagogues. En effet, la souris qui cache la montagne est là : malgré l’avancement de la technologie et son intégration au monde scolaire, le facteur humain demeure l’élément le plus important de son intégration à l’apprentissage.
L’intégration des TIC dans les pratiques pédagogiques
Par Bernard Manzerolle, mentor en TIC, et Odette Richard, agente de communication
District scolaire 11, Nouveau-BrunswickLes technologies de l’information et de la communication (TIC) ont fait leur arrivée dans le système scolaire il y a près de 30 ans. Au même moment où l’intégration des TIC dans les pratiques pédagogiques est venue s’ajouter, les recherches en sciences cognitives remettaient en question les approches pédagogiques traditionnelles. De plus, puisque les défis sont grands dans le contexte de l’éducation en milieu minoritaire, l’utilisation des TIC est devenue un moyen privilégié pour atteindre ces objectifs et pour favoriser une approche où l’élève est responsable de ses apprentissages.
Au District scolaire no 11, en plus du carnet Web du district (blogue), toutes les écoles du district, plusieurs classes et même certains élèves ont leur blogue. La création de blogues de classes permet aux enseignants et aux enseignantes d’utiliser d’autres outils du Web 2.0 comme YouTube, Flicker et Kizoa et des Wiki. Au District scolaire no 11, toutes les écoles sont désignées écoles communautaires entrepreneuriales où les jeunes deviennent initiateurs, réalisateurs et gestionnaires de projets. Avec ces outils, les élèves peuvent publier leurs projets et ainsi promouvoir les réussites. C’est à partir de 2009 que quelques écoles sont les premières à relever le défi de publier dans un blogue. Comme vous pouvez le constater, l’utilisation des médias sociaux a pris de l’ampleur depuis les dernières années.
De plus, le District scolaire no 11 a sa page Facebook avec près de 500 adeptes. Trois écoles ont également leur page Facebook. Même si certains craignent l’utilisation de Facebook dans les écoles, nous croyons qu’une utilisation guidée est à recommander.
En 2010, deux écoles du District scolaire no 11 ont piloté un projet de l’utilisation de l’iPod touch en salle de classe. La classe de
6e année de l’école Mgr-François-Bourgeois de Shediac et la classe de 2e année de l’école Père-Edgar-T.-LeBlanc de Grand-Barachois ont utilisé l’iPod touch comme outil pédagogique. Ce fut une initiative propre au District scolaire no 11, le district ayant été le chef de file parmi les écoles francophones du Nouveau-Brunswick. Ce fut un franc succès, la littératie prenant une place importante dans ce projet. Avec cet outil, ça nous permet également de faire de la différenciation, les élèves pouvant apprendre à leur rythme et à leur façon. Au mois d’octobre dernier, deux élèves de la 6e année de l’école Mgr-François-Bourgeois ont eu la chance de présenter leur projet d’iPod touch au 13e Sommet de la francophonie à Montreux, Suisse. Les participants, incluant le premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. David Alward, ont été fort impressionnés.
La classe est devenue un lieu de communication, d’échanges et de collaboration. Les apprentissages se font en permettant aux jeunes apprenants de développer leurs compétences dans différents domaines. Que ce soit en mathématiques, en français ou en sciences, l’élève doit acquérir des habiletés qui lui permettront de développer ses connaissances, mais aussi de devenir de plus en plus responsable de ses apprentissages. La classe moderne doit s’étendre au-delà des murs de l’école et permettre à l’élève de renforcer ses habiletés en ayant recours aux technologies. Puisqu’on voit de plus en plus, dans la francophonie, la volonté de prendre une place francophone, d’être présents sur le Web, les occasions ne cessent de se présenter.
Volume 4, numéro 1 – Avril 2011 11
Exceptionnellement, la présente parution inclut une traduction d’un article paru dans la revue Leaders & Learners, hiver 2010-2011. Cette revue est produite par l’Association canadienne des administrateurs scolaires (ACAS) et s’adresse aux cadres supérieurs des conseils scolaires. www.casa-acas.ca
par Margaret McVea, Ph.D., Maureen Duguay et Jeannine Bobrowsky
Depuis 2007, le conseil scolaire Elk Island Catholic Schools (EICS) de l’Alberta a adopté une trajectoire de changement très ambitieuse et il en est résulté un virage spectaculaire vers une culture qui s’appuie sur des relations positives pour améliorer sensiblement la réussite des élèves.
Si on devait envoyer un « tweet » à propos du EICS, il se lirait à peu près comme ceci : @EICS 6 000 élèves, 350+ enseignants, 16 écoles entièrement inclusives, 4 collectivités, ultramoderne, budget annuel des écoles secondaires 58 M$ en 2012.
Le conseil scolaire EICS a entamé le XXIe siècle avec un bilan enviable. Ces quatre dernières années, en alliant un plan d’apprentissage bien équilibré et solide à une culture de l’autonomie et de la curiosité intellectuelle, l’apprentissage des élèves, l’autonomie des enseignants et la motivation des administrateurs ont profondément changé. Quel en a été l’élément déclencheur? Surtout et avant tout une concentration intense sur l’apprentissage personnalisé à la fois pour les élèves et pour le personnel, qui respecte de près les attentes provinciales et locales. Si on y ajoute une recherche-action délibérée passant par des groupes de

http://fncsf.ca/files/RNDGE_revue_virtuelle_vol4_numero_1_%20avril2011.pdf